Même si l’Etat ne le veut pas, nous, on jouera ! Pour les femmes et leur bonheur, nous, on jouera ! Pour un meilleur football, on jouera !" Ce sont les paroles scandées par le collectif Français, Les Hijabeuses, le 24 février dernier, pour célébrer le rejet définitif de la proposition française d'interdiction du port du hijab lors des compétitions sportives. Bien que ce soit un moment de triomphe, la lutte continue pour les joueuses de football françaises voilées. Le collectif travaille sans relâche pour garantir une plus grande inclusivité sur le terrain, en faisant pression pour mettre fin à l'exclusion des femmes musulmanes voilées dans le football. Elles souhaitent être vues non seulement pour le port de leur voile, mais aussi en tant qu'athlètes féminines.

La France est le seul pays qui interdit toujours aux joueuses de football voilées de participer aux compétitions. En discutant avec trois membres du comité les Hijabeuses, il est évident que leur mission pour un terrain de football plus inclusif ne fait que commencer. "Même si ce n'est pas nous qui seront autorisées à la faire, nous nous battrons jusqu'à ce que chaque femme puisse pratiquer son sport préféré. Je veux que ma petite sœur ou mes futures filles puissent le faire", confie Karthoum Dembele.
Leur action collective se démarque en pleine campagne présidentielle Française, les élections approchant. Avec une nouvelle vision du féminisme intersectionnel (avec de jeunes militantes et ambassadrices issues du Maghreb ou de l’Afrique de l’Ouest), leurs opinions s'opposent au féminisme universaliste adopté par l'ancienne génération. Le collectif a réussi à recueillir le soutien de nombreux athlètes professionnels comme Lilian Thuram ou la joueuse de football Nigériane Ayisat Yusuf. Des organisations internationales comme Women Win ou Fare, qui partagent le combat de l'égalité dans le football, diffusent le message des Hijabeuses dans le monde entier. Le groupe est mené par des jeunes, âgées de 16 à 30 ans, qui s'efforcent de prendre en charge leur propre avenir. Founé Diawara, 22 ans, étudiante en sciences politiques et présidente des Hijabeuses, Karthoum Dembele, 19 ans, étudiante et responsable de la communication du collectif, et Mama Diakité, 22 ans, entrepreneuse et responsable des événements et de la mobilisation, sont les femmes qui font avancer la mission du groupe.
AMAKA s'est entretenu avec les trois membres pour comprendre comment elles travaillent pour que les femmes voilées ne soient plus exclues des activités sportives qu'elles aiment en raison des lois discriminantes en vigueur en France.

Qu'est ce qui vous a amené à rejoindre le collectif les Hijabeuses?
Founé Diawara: J'ai pratiqué de nombreux sports mais le football a toujours été mon préféré car c'est un sport d'équipe. Même lorsque j'étudiais au Cap en Afrique du Sud, je jouais dans l'équipe de football de leur université ! J'ai rejoint les Hijabeuses, parce qu'un jour, quand j'ai été exclu du terrain, je n'avais personne avec qui le partager et qui me comprenait. Aujourd'hui, avec les Hijabeuses, je peux partager mon expérience et aider d'autres filles. En tant que présidente du comité, je peux faire passer le message et participer à la discussion avec les politiciens ou les dirigeants de la Fédération Française de Football.
Mama Diakité: J'ai rejoint les Hijabeuses parce que je me sens concernée par ce débat. Même si, au départ, je ne voyais pas où leurs efforts pourraient mener et que cela ne changerait rien, je me suis toujours souvenue de la détermination et du dynamisme des membres du comité lorsque je les ai rencontrés pour la première fois. J’ai adhéré au comité quelques semaines plus tard et suis devenue la responsable des événements et de la mobilisation. Pour moi, cette loi est injuste. Je joue au football depuis onze ans et j'ai assisté à plusieurs matchs, où même les arbitres étaient perdus. Certains nous permettaient de jouer avec nos hijabs et d'autres non. Il semble qu'il y ait un manque de communication dans les hauts rangs, même si c'est à la Fédération Française de Football de nous autoriser à jouer, les règles transmises aux arbitres semblent peu claires et floues. C'est la raison pour laquelle nous nous battons pour notre droit de jouer.
Karthoum Dembele: Je joue au football depuis l'âge de treize ans et je ne vois toujours pas de joueuse de football française porter un hijab en compétition. Je considère les Hijabeuses comme une campagne soulevant des questions importantes qui ne peuvent plus être évitées. J'ai eu des difficultés à me projeter dans ce sport que j'aime à un niveau professionnel. Avec les Hijabeuses nous construisons une plateforme pour mettre en valeur ces rôles et inspirer les jeunes filles, afin qu'un jour nous puissions voir une joueuse voilée dans l'équipe de football Française.
Les Hijabeuses ont été fondées en 2020, et de plus en plus de membres s’inscrivent. Comment avez-vous réussi à attirer un aussi grand nombre de personnes?
Founé Diawara: En janvier, nous avons improvisé un match devant le Sénat. Comme il s'agit d'un problème institutionnel avec le Sénat et la Fédération française de football, nous avons dû consulter des professionnels pour construire notre plaidoyer et être entendues. C'est ainsi que nous avons créé le comité, composé d'une quinzaine de membres pour rencontrer des avocats, des responsables institutionnels du monde du football et des spécialistes des droits de l'homme. Grâce à cette formation au lobbying, nous sommes en mesure de connaître nos droits. Nous prenons les devants pour plaider par nous-mêmes et pour nous-mêmes.
Karthoum Dembele: Nous voulons faciliter l'accès de toutes les jeunes filles à la pratique et aux compétitions sportives de niveau professionnel. Avec les Hijabeuses, nous donnons une voix aux femmes concernées par cette question afin de créer une représentation et des jeunes filles plus fortes. Nous voulons également créer un espace où nous pouvons parler librement de nos problèmes et trouver des moyens de les résoudre.
Vous êtes également sur le terrain pour aider les jeunes des communautés marginalisées à continuer ou à commencer à jouer au football, car le sport peut jouer un rôle décisif dans l'empowerment des jeunes filles.
Founé Diawara: Oui, tout au long de l'année, en dehors des marches, nous organisons des webinaires, des tournois où les jeunes filles peuvent partager leur expérience. En travaillant avec l'Alliance Citoyenne, nous sommes plusieurs syndicats et nous nous battons ensemble. Parce qu'en tant que femmes musulmanes, nous cumulons les discriminations dans le sport. En 2021, nous avons organisé le tournoi, Football pour Toutes à La Courneuve en Seine Saint Denis, où toutes les joueuses étaient admises.
Qui est votre joueur de football préféré?
Karthoum Dembelé: Je n'ai pas de joueur préféré mais j'aime regarder Olivier Giroud jouer ! Mama Diakité : J'aime bien Karim Benzema, pour son jeu et parce qu'il n'a pas froid aux yeux!
Founé Diawara: Ma joueuse préférée est Louisa Necib de Lyon, elle est surnommée la “ Zidane du Foot Feminin”! J'aime son style et elle a toujours été la meilleure joueuse de son équipe.
Quelle serait la plus belle victoire pour vous aujourd'hui avec les Hijabeuses?
Mama Diakité: En luttant contre l'islamophobie, la misogynie et le racisme, nous nous approprions ces questions d'identité et nous revendiquons le fait que nous ne devons pas être jugées pour ce que nous portons. La meilleure victoire serait que les politiciens et les institutions travaillent avec nous pour mettre en place de meilleures conditions en incluant les femmes voilées non seulement dans les compétitions sportives mais aussi dans les conseils d'administration.
Karthoum Dembelé: Les Hijabeuses ont déjà une victoire. En prenant la parole, nous brisons les codes, nous bouleversons le paysage ! Nous sommes là où l'on ne nous attendait pas!
Les Hijabeuses font partie d'ONSIDE, un fonds qui vise à soutenir un mouvement féministe durable qui réimagine et transforme le sport. Géré par Women Win, ONSIDE est un fonds commun soutenu par Nike et d'autres bailleurs de fonds à la recherche de nouvelles solutions pour faire progresser la justice entre les genres. Nike s'associe à Women Win pour construire l'équité par le sport pour tous. Pour en savoir plus sur Women Win et les partenaires de la communauté Nike, rendez-vous sur le site Nike Give.
English Translation
Les Hijabeuses’ are Fighting for Hijabi Football Players In France
The collective share how they are advocating for Muslim women to wear hijabs during sports competitions.
“Even if the State doesn’t want it, we will play! For the women and their happiness, we will play! For a better football, we will play!” These were the words chanted by the French collective, Les Hijabeuses, on February 24 in celebration of the final rejection of France’s proposed ban on the wearing of hijab during sports competitions. Although it was a moment of triumph, the struggle still continues for hijabi French football players. The collective are working tirelessly to ensure there is more inclusivity on the pitch, pushing for an end to the exclusion of Muslim women in football. They desire to be seen not just for wearing their veils, but as female athletes.
France is the only country with a hijab ban still in place for professional players. When discussing this with members of Les Hijabeuses, it is clear that their mission for a more inclusive football field has only just begun. “Even if it is not us who will play, we will fight until every woman can play their favourite sport. I want my younger sister or my future daughters to be able to do so,” says Karthoum Dembele.
Their collective action is necessary as the French presidential campaign quickly approaches. With a newer vision which centres intersectional feminism (and includes younger campaigners and ambassadors from Maghreb and West African backgrounds), their views oppose the universalist feminism adopted by older generations. The collective has managed to garner support from many professional athletes such as Lilian Thuram and Nigerian football player Ayisat Yusuf. International organisations like Women Win and Fare, which share the cause for equality for women in football, are spreading Les Hijabeuses’ message globally. The group is led by young people, ages 16 to 30, who are striving to be in charge of their own future. Founé Diawara, 22, is a political science student and President of Les Hijabeuses; Karthoum Dembele, 19, a student and the collective’s communications manager; and Mama Diakité, 22, an entrepreneur who leads events and mobilisation, are the women pushing the group’s mission forward.
AMAKA spoke with the three members about how they are working to ensure that hijabis are no longer excluded from participating in activities they love due to France’s exclusionary laws.
What led you all to join the collective, Les Hijabeuses?
Founé Diawara: I played many sports, but football has always been my favourite because it’s a team sport. Even when I studied in Cape Town, I played on their university football team. I joined Les Hijabeuses because one day when I was banned from the pitch, I didn’t have anyone to share [that experience] with who would understand me. Today with Les Hijabeuses, I can share my experience and help other girls. As the President of the committee, I can convey the message and take part in discussions with politicans or executives from the French Football Federation (FFF).
Mama Diakité: I joined Les Hijabeuses because I relate to the cause. Even though, at first, I couldn’t see where their efforts could lead, I always remembered the determination and drive of the members of the committee when I first met them. I signed up a few weeks later and became the event and mobilisation manager. To me, this law is unfair. I have been practising football for 11 years, and I witnessed that during the games, even the referees were lost. Some would allow us to play with our hijabs and others would not. It seems like there is a lack of communication at the higher levels. Even though it is up to the FFF to allow us to play, the rules seem unclear and blurred. This is why we are fighting for our rights to play.
Karthoum Dembele: I’ve played football since I was 13 and I still cannot see a French football player wearing a hijab in [a] competition. I consider Les Hijabeuses to be a campaign raising serious issues that can no longer be avoided. I’ve had issues projecting myself in this sport that I love at a professional level. With Les Hijabeuses, we are building a platform to showcase these roles and inspire young girls, so that one day we could see a hijabi player in the French football team.
Les Hijabeuses was founded in 2020, and more members are joining. How have you managed to attain such a huge following?
Diawara: In January we improvised a game by the Senate. Because it’s an institutional issue with the Senate and the FFF, we also had to consult with professionals to build our plea and be heard. Hence we created the committee with 15 members to meet with lawyers, institutional leaders in the world of football and human rights specialists. Thanks to this lobbying training, we know our legal rights. We are now taking the lead to advocate by ourselves and for ourselves.
Dembele: We want to facilitate so that all the girls are able to play and have access to competitions at professional levels in sports. With Les Hijabeuses, we are giving a voice to the women who are concerned by this issue in order to create representation and equip young girls. We are also aiming to create a place where we can talk freely about our issues and find ways to solve them.
You are also on the field helping young people from marginalised communities to continue or start playing football, which can play a decisive role in empowering young girls.
Diawara: Yes throughout the year, apart from the marches, we are organising webinars, and tournaments where young girls can share their experience. By working with the Citizen Alliance, we have several syndicates that are fighting together. As Muslim women we are addressing a combination of discrimination in sport. In 2021, we organised the tournament, Football for All at La Courneuve in the Seine Saint Denis district, where every player was allowed.
Who is your favourite football player and why?
Dembelé: I don’t have a favourite player but I like watching Olivier Giroud play.
Diakité: I like Karim Benzema for his game and because he is unapologetic.
Diawara: My favourite player is Louisa Necib from Lyon. She is dubbed the female version of Zidane! I like her style and she has always been the best player on her team.
What would be the best victory for you today with Les Hijabeuses?
Diakité: Because we are fighting Islamophobia, misogyny and racism, we are taking ownership of these identities, and pronouncing that we shouldn’t be judged for what we are wearing. The best victory would be that politicians and institutions work with us to implement better conditions by including hijabi women, not only in the sports competitions, but also amongst the executive boards.
Dembelé: Les Hijabeuses has already had a victory. By speaking up, we are breaking the codes, we are disrupting the landscape. We are where we were not expected to be!
Les Hijabeuses are part of ONSIDE, a fund that seeks to support a sustained feminist movement that re-imagines and transforms sport. Managed by Women Win, ONSIDE is a pooled fund supported by Nike and other funders finding new solutions to advance gender justice. Nike partners with Women Win to build equity through sport for all. To learn more about Women Win and Nike’s community partners, please visit Nike Give.