Même si la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial de cacao, nombre de ses agriculteurs, en particulier les agricultrices, vacillent constamment sur le seuil de pauvreté. En 2019, la Banque mondiale a estimé que 54.9 % des producteurs de cacao ivoiriens et leurs familles vivent actuellement sous le seuil de pauvreté. Cette situation économique précaire fait qu'il est difficile pour les travailleurs agricoles d’investir sur leur fermes. Pour lutter contre ces problématiques, les femmes se regroupent pour créer un développement durable via le programme AVEC* (AVEC: Associations Villageoises d’Epargne et de Crédit en Côte d’Ivoire) et leurs opportunités de microcrédit proposées.
Avec un montant de prêt moyen de 85 euros, accordé à un faible taux d'intérêt de 5 %, les fonds peuvent être utilisés pour financer des projets d'agriculture, d'autres entreprises et de formation - tout cela dans le but d'émanciper les femmes du secteur agricole. AMAKA s'est entretenu avec Roseline Gban Adrien, membre de l’AVEC située dans la ville de Mahapleu, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire. Sa situation s'est transformée depuis qu'elle a rejoint le programme il y a trois ans, la nécessité de maintenir ses quatre enfants à l'école étant l'une de ses responsabilités les plus pressantes: "Avant de participer au programme, j'étais très inquiète. Je devais pouvoir payer les frais de scolarité et garder mes enfants à l'école", se souvient Gban Adrien. En 2022, elle est fière d'être propriétaire d'une maison de six chambres, qu’elle peut louer et utiliser les revenus non seulement pour augmenter sa production de cacao, mais aussi pour payer les frais de scolarité de ses enfants.
Une cheffe d’entreprise résiliente
Roseline Gban Adrien cultive du cacao et du café depuis plus de dix ans. Elle profite (littéralement) des fruits de son labeur au début de l'année, en vivant des bénéfices de sa récolte en janvier et février. Elle passe le reste de l'année à s'occuper de la terre pour préparer la prochaine saison.
Chaque matin, cette veuve, mère de quatre enfants, se réveille tôt pour préparer ses deux plus jeunes enfants à l'école avant de partir travailler dans ses champs de cacao et de café. Grâce au groupe AVEC, Gban Adrien a eu l'opportunité de diversifier ses sources de revenus. En plus d'être propriétaire, elle gère un petit commerce d’aubergines, piments, choux, gombos et tomates sur le marché du village de mars à juin. Toujours aussi entreprenante, Roseline Gban se lance maintenant dans l'industrie de la mode, détaillant : "Je peux me permettre d'aller à Abidjan et d'acheter des vêtements d'enfants, de les vendre et de générer des bénéfices."
Une nouvelle aventure dans la riziculture
En plus de sa propre entreprise, Gban Adriean partage une activité avec les membres du programme AVEC. Elle assiste aux réunions hebdomadaires de l’AVEC, avec les membres de sa ville et des localités voisines de Trogui et Veguien. Ce groupe de 40 femmes, âgées de 18 à 65 ans, partage une exploitation agricole de riz. Chaque femme contribue à son bon fonctionnement et profite également du butin à la fin de la saison des récoltes. À propos de cette collaboration, Roseline Gban Adrien déclare : "Nous avons pu acheter une machine à piler le riz, qui nous fait gagner beaucoup de temps. Nous sommes satisfaites et motivées pour continuer à améliorer nos conditions de vie." La petite agricultrice est depuis devenue partie intégrante du système, travaillant comme secrétaire pour programmer et gérer les réunions, ainsi que pour tenir les comptes.
Lutter contre les inégalités entre les sexes à la source
En 2019, des lois sur l'égalité ont été mises en œuvre pour renforcer les droits et l'autonomie des femmes, en leur accordant le droit de posséder des terres et en facilitant l'héritage des biens des conjoints et des parents décédés, et en réduisant les préjugés en faveur des hommes. L'éducation des femmes et des filles est également devenue une priorité nationale, la plupart des régions ayant atteint la parité entre les filles et les garçons dans l'enseignement primaire, même si le chemin est encore long avant d'atteindre l'égalité universelle. "Grâce à leurs propres revenus, les femmes participent de manière égale au ménage, et les maris ou les membres de la famille constatent un net changement dans les mentalités dans la répartitions des rôles ", explique à AMAKA Roger Dalleba, superviseur de la durabilité de l’AVEC à l'agence de Mahapleu.
ETG (Export Trading Group), créatrice du programme AVEC auquel participe Gban Adrien, s'efforce de poursuivre cette tendance positive, en employant des instructeurs sur le terrain dans les nombreux centres de rencontre de Côte d'Ivoire pour offrir aux femmes des ateliers inestimables sur l'entreprise et le bien-être de la communauté, dans le cadre d'un programme de formation d'un an. Le programme est particulièrement efficace et inclusif car il est adapté aux différents niveaux d'alphabétisation et rythmes d'apprentissage de chacun, en utilisant des méthodes très visuelles et participatives. Cela veut dire que des femmes comme Gban Adrien sont dotées des compétences et des connaissances nécessaires pour être indépendantes et inspirer les autres. Les modules de formation répondent aux besoins et aux préoccupations spécifiques des femmes noires Africaines travaillant en mileu rural. "Le programme est conçu pour offrir de nouveaux modules permettant aux membres d'atteindre l'autonomie", commente Dalleba.
Un effet domino: l’impact sur les enfants
Gban Adrien nous dit qu'elle a acquis des connaissances en matière d'entrepreneuriat, de gestion de ses finances et de la meilleure façon d'investir. En tant que propriétaire d'une maison et d'une ferme, elle se distingue au sein de la population de propriétaire en Côte d'Ivoire, dominée par les hommes, et loue l'impact de AVEC : "Avec cette propriété, deux de mes enfants peuvent y vivre et sont plus proches de leur lycée". Elle ajoute : " Je dis à mon oncle que j'ai pu transformer mes pensées en réalité ! ".
Gban Adrien revient sur son apprentissage du dispositif : " Lorsque le superviseur a présenté le projet, nous ne l'avons pas compris. Ce n'était pas clair, et nous ne savions pas comment nous allions pouvoir gérer ce processus. [Mais] maintenant, même les hommes veulent participer au programme ! ”.
"Maintenant, l'AVEC nous aide. Avant de rejoindre le groupe, nous ne savions pas quoi faire lorsque nous ne faisions pas de recettes” continue-t-elle décrivant le manque de filets de sécurité dont elle disposait avant de participer. Dorénavant, je suis rassurée de savoir que je peux me permettre d'emprunter l'argent pour l'école de mes enfants [en cas de besoin] et de payer à un rythme réaliste."
Roseline Gban Adrien attribue en partie l'accès de ses enfants à l'enseignement secondaire à son bien immobilier : "Grâce à cette propriété, deux de mes enfants peuvent y vivre et sont plus proches de leur lycée." Dans un pays où seulement 35,5 % de la population est scolarisée dans le secondaire (et encore moins dans les zones rurales), c'est une réussite considérable.
Regarder vers l'avenir
Avec une vision et une détermination incroyables, Roseline Gban Adrien mène son groupe pour accéder à des prêts plus importants - des prêts de banques nationales qui offrent un capital nettement plus important et des opportunités d'investissement qui en découlent: "Nous voulons avoir accès aux banques maintenant, pour pouvoir acheter un tricycle à moteur ou une voiture, car nous avons des problèmes de transport." Pour cette prochaine étape, ETG est là pour les aider : "Nous aidons le groupe AVEC à être certifiée par les autorités locales et nationales, pour pouvoir ouvrir un compte bancaire. En outre, nous dispensons une formation sur les conditions des prêts bancaires", révèle Dalleba à AMAKA.L'accès au financement par le biais des banques portera le potentiel des entrepreneures des groupes AVEC comme Roseline Gban Adrien à un autre niveau.
*Les groupes AVEC sont l’équivalent des groupes VSLA (Village Saving and Loans Association) au Cameroun et au Ghana
English Translation
In Ivory Coast, Smallholder Farmer Roseline Gban Adrien Is Reinvigorating Local Agriculture
In the town of Mahapleu, collaborative efforts through VSLA groups are improving the lives of the entire community.
Sanaa Carats
Even though Ivory Coast is the world's biggest cocoa producer, many of the country’s farmers — especially women — are constantly teetering on the poverty line. In 2019, the World Bank estimated that 54.9% of Ivorian cocoa producers and their families were living below the poverty threshold. This precarious economic standing makes it difficult for smallholder farmers to invest in their farms. To combat these issues, farmers are gathering in groups to drive sustainable local development via VSLA groups (Village Saving and Loans Associations) and the microloan opportunities they provide.
With an average loan amount of 85 euros, provided at a low interest rate of 5%, VSLA loans can be used to fund ventures into farming and other businesses, as well as pay for tuition fees — all with the aim of enfranchising women in the agricultural sector. AMAKA spoke with Roseline Gban Adrien, a VSLA member based in the West Ivorian town of Mahapleu. Her situation has transformed since joining three years ago, driven by the need to keep her four children enrolled in education: "Before I entered the programme, I was very worried. I needed to be able to afford the school fees and keep my children at school", Gban Adrien recalls. Fast forward to 2022, and she is now a proud homeowner who has been able to monetise the spare bedrooms in her six-bedroom house and use the revenue to not only scale up her cocoa production but to cover her children's school fees.
A resilient entrepreneur
Gban Adrien has been a cocoa and coffee farmer for over a decade. She (quite literally) enjoys the fruits of her labour at the start of the year, living off the profits of her harvests in January and February. She spends the rest of the year tending to the land in preparation for the next season.
Every morning, the widowed mother of four wakes up early to prepare her two youngest children for school before setting off to work in her cocoa and coffee fields. Thanks to the VSLA group, Gban Adrien has had the opportunity to diversify her revenue streams. As well as being a landlady, she runs a small business selling aubergines, peppers, okra, cabbages and tomatoes in the village market from March to June, between harvest seasons. Ever the entrepreneur, Gban Adrien, is now venturing into the fashion industry, detailing, "I can afford to go to Abidjan and buy children's clothes, sell them and make a profit."
A new venture into rice farming
In addition to personal enterprise, Gban Adrien supports the economic and social development of her community via the VSLA group. She attends weekly VSLA meetings where she connects with members from her town and the neighbouring villages of Trogui and Veguien. This group of 40 women, aged 18 to 65, share a rice farm. Each of the women contributes to its smooth running, and they share the spoils at the end of harvest season equally. Speaking on this collaboration, Gban Adrien says, "We have been able to buy a rice pounding machine, which saves us a lot of time. We are satisfied and motivated to continue upgrading our living conditions." The smallholder farmer has since become an integral part of the system, working as a secretary to schedule and manage meetings, as well as keep the books.
Tackling gender inequality from the ground up
In 2019, equality laws were implemented in Ivory Coast to reinforce women's rights and autonomy, granting them the right to own land and making property inheritance from deceased spouses and parents easier and less gender-biased in favour of men. Education for women and girls has also become a matter of national priority, with most regions having achieved parity between girls and boys in primary education, though there is still a long way to go before broader equality is reached. "Thanks to their own income, women participate equally in the household, and husbands and other family members see a clear change in patterns surrounding gender roles", Roger Dalleba, an ETG Community Development Supervisor at the Mahapleu VSLA branch, tells AMAKA.
ETG (Export Trading Group), who set up the VSLA collective in which Gban Adrien participates, is working to continue this positive trend, employing on-the-ground trainers and supervisors across Ivory Coast's multiple meeting centres. These trainers provide invaluable workshops on enterprise development, community wellbeing and child protection to members of VSLA groups through a one-year-long group training programme. The curriculum is particularly effective and inclusive as it is adapted to meet everyone's different literacy levels and learning paces, using highly visual and participatory methods. This means that women like Gban Adrien are equipped with the skills and knowledge to be independent and inspire others. The training modules address the specific needs and concerns of Black African working women in rural areas. "The programme is designed to offer new modules for the members to achieve autonomy", comments Dalleba.
A ripple effect: The impact on children
Gban Adrien tells us she has gained knowledge in entrepreneurship, managing her finances, and how best to invest her savings. As a home and farm owner, she stands out amid Ivory Coast's male-dominated land-owning population, praising VSLA's impact: "With this property, two of my children can live there and are closer to their high school." She adds,"I tell my uncle that I have been able to transform my thoughts into reality!"
Gban Adrien reflects on her learning experience with the scheme, saying, "When the supervisor presented the project, we did not understand it. It wasn't clear, and we didn't know how we would be able to manage this process. [But] now even men want to join the programme! The main issue for us was to handle the money.”
"Now the VSLA is helping us. Before joining [the group], we didn't know what to do when we didn't make any income”, she continues, describing the lack of safety nets she had before taking part. “Now, I am reassured that I can afford to borrow the money for my childrens’ school [if I need to] and pay it back at a realistic pace."
Gban Adrien partially credits her children's advancement to secondary education to her property ownership, "With this property, two of my children can live there and are closer to their high school." In a country where only 35.5% of the population enrol into secondary school (and even less in rural areas), this is a considerable achievement.
Looking to the future
With incredible foresight and determination, Gban Adrien is leading her group to access bigger loans — loans from national banks that offer significantly more capital and ensuing investment opportunities: "We want to access the banks now, to be able to buy a motor tricycle or a car because we have issues with transportation."
For this next step, ETG is there to help: "We are supporting the VSLA group in becoming certified by the local and national authorities so that they can open a bank account. In addition, we are providing training on bank loan terms and conditions", Dalleba explains to AMAKA.
Access to financing through banks will take the potential of VSLA group entrepreneurs like Gban Adrien to another level.
AVEC: Associations Villageoises d’Epargne et de Crédit en Côte d’Ivoire
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