[See English translation below.]
Jacob Desvarieux, fondateur du groupe Kassav', un groupe de zouk de renommée internationale originaire de la Guadeloupe, est décédé le 30 juillet des suites de Covid-19 à l'âge de 65 ans à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe. Connu familièrement comme le père du zouk, Desvarieux et le groupe ont eu une influence indiscutable sur l'émergence de la musique française des Caraïbes sur la scène internationale et sur le tissage des fils des genres musicaux francophones dans leur ensemble.

Kassav', qui doit son nom à l'amidon populaire ainsi qu'au tambour « ka » issus de l'esclavage des Africains de la Guadeloupe, s'est inspiré d'une expérience panafricaine pour créer un son unique, maintenant reconnaissable dans de nombreuses ballades francophones contemporaines. Kassav' a fusionné le konpa haïtien, le soukous congolais et le makossa camerounais (collaborant plus tard avec la légende lui-même, Manu Dibango) avec de nouveaux synthétiseurs et des sons électroniques, intégrant le tout pour créer un son à la fois festif, politique et accessible. Des chansons comme la populaire "Zouk-La-Se Sel Medikaman Nou Ni" ("Le zouk est le seul médicament que nous ayons") - une chanson que l'on croit souvent d'origine haïtienne, en grande partie à cause des fortes influences konpa et du fait qu'elle a été écrite alors que le groupe voyageait en Haïti - reflètent cette intention, soulignant le sous-texte politique tout en conservant le style festif du zouk, mot qui signifie fête dansante. Comme le dit Desvarieux dans une interview, « nous cherchions à trouver une bande-son qui fasse la synthèse de toutes les traditions et sons antérieurs, mais qui soit exportable partout. »
Le Coronavirus a laissé dans la diaspora noire une quantité incommensurable de douleur et de pertes, qu'il sera difficile de comprendre pleinement avant que ce chapitre ne soit fermé. Dans le présent, l'une des tragédies les plus difficiles à concilier est la façon dont nous avons été privés de notre capacité à faire collectivement le deuil de nos aînés au moment de leur transition, comme le veut la coutume dans de nombreuses traditions noires, qu'il s'agisse de ceux pour lesquels nous avons un attachement personnel ou d'honorer nos légendes vénérées. Jacob Desvarieux de Guadeloupe, Herman Nau d'Haïti et Manu Dibango du Cameroun ne sont que quelques-unes des icônes musicales fondamentales de nos vies culturelles contemporaines que nous avons perdues ces derniers temps.
L'influence de Konpa en ouvrant la porte au zouk pour qu'il devienne la sensation internationale qu'il était dans les années 1980, est essentielle pour comprendre le succès du zouk. Des années 1960 aux années 1980, l'influence haïtienne sur la scène musicale des Antilles françaises est à son apogée, et de nombreux groupes de zouk seront issus de ceux qui ont commencé leur carrière au sein de konpa. Des groupes tels que Tabou Combo, dont Herman Nau était le batteur, ont directement influencé les rythmes zouk ultérieurs. En raison de la prédominance des exportations culturelles haïtiennes, une grande partie des échanges culturels a été ressentie en Guadeloupe, en Martinique, et même dans les pays hispanophones comme Cuba et la République dominicaine avec le danzon de cuba et le merengue, respectivement. Le régime de Duvalier a cependant contribué à faire stagner la percée international du genre, en raison de l'oppression locale autour de cette forme d'art. Plus tard, lorsque les maisons des disques ont commencé à privilégier le succès commercial et radiophonique, la longueur des chansons konpa - environ sept minutes en moyenne, ce qui passe vite dans une fête, mais n'est pas aussi facile à chanter - est devenue un frein à la promotion. Les créateurs de zouk, en comparaison, ont pu travailler plus stratégiquement en faveur de la commercialisation, alors que les deux genres ont continué à s'influencer mutuellement au cours des décennies.

Le zouk a connu un sommet de popularité dans le mainstream dans les années 1980 - ils ont reçu le prix du groupe de l'année par les Victoires de la Musique en 1988 - mais sa popularité dans la diaspora francophone a persisté ; en 2019, Kassav' a rempli le concert de son 40e anniversaire dans la salle de 40 000 places de Paris La Défense Arena, et a continué à faire vendre à guichets fermés dans tout le continent africain, où il attire des foules de la taille d'un stade depuis les années 1980.
La connexion continentale s'étend encore plus loin. Actuellement, il existe à Luanda, en Angola, un musée du zouk, avec une collection de 10 000 albums, que Desvarieux et Pierre-Édouard Décimus ont visité en 2012. Bien que l'Angola soit un pays lusophone, son style de musique et de danse internationalement connu, la kizomba, tire des influences distinctes du konpa haïtien et du zouk franco-caribéen, et de nombreuses nations francophones d'Afrique de l'Ouest ont actuellement leur propre version du zouk comme style de musique populaire. Comme l'a écrit l'auteur-compositeur sénégalais Youssou N'Dour sur Twitter à la suite du décès de Desvarieux, « Les Antilles, l'Afrique et la musique viennent de perdre l'un de ses plus grands Ambassadeurs. »
« Sans être des politiciens ni des militants, Kassav' portait tout cela,» a déclaré Desvarieux. « De nos visages aux thématiques dans nos chansons, tout était très clair : nous étions antillais, il ne fallait pas qu'il y ait méprise, nous voulions marquer notre différence. C'est pourquoi nous avons toujours chanté en créole.» Dans la musique populaire contemporaine, on peut sentir la force de cette influence diasporique francophone à travers Aya Nakamura, une chanteuse française d'origine malienne internationalement reconnue qui utilise fréquemment les influences du zouk et du konpa dans sa musique. Cette ligne de partage ne se limite cependant pas au monde francophone ; lors du spectacle de la mi-temps du Superbowl de 2020, l'artiste colombienne Shakira a fait un medley en l'honneur du patrimoine afro-colombien, en dansant la Champeta de sa ville natale. Spontanément, des gens d'Haïti, du Cameroun, de la Guadeloupe et du Congo se sont levés, affirmant que la chanson d'accompagnement, qui n'avait pas encore été identifiée, ressemblait à leur musique. Avec le temps, il a été déterminé qu'il contenait la chanson soukous congolaise Icha de Syran Mbenza.
La véritable merveille de ce moment, cependant, est la réalisation de la quantité d'échanges culturels entre nos ancêtres qui peut conduire à un sentiment collectif d'appartenance dans la diaspora noire francophone.

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English Translation
Jacob Desvarieux, founder of the group Kassav', an internationally renowned zouk band originating in Guadeloupe, passed on July 30 from Covid-19 at the age of 65 in Pointe-à-Pitre, Guadeloupe. Colloquially known as the Godfather of zouk music, Desvarieux and the band’s influence in bringing French Caribbean music to the international stage and connecting the interwoven threads of Francophone musical genres as a whole is indisputable.

Kassav’, named after the popular starch as well as the ka drum that descended from Guadeloupe’s enslaved Africans, drew from a pan-African experience to make a unique sound that is now recognizable throughout many contemporary Francophone ballads. Kassav’ fused Haitian konpa, Congolese soukous, and Cameroonian makossa (later collaborating with the legend Manu Dibango himself) with new synthesizer and electronic sounds, integrating it all to create a sound that was both festive, political, and accessible. Songs like the popular, ‘Zouk-La-Se Sel Medikaman Nou Ni’ (‘Zouk Is the Only Medicine We Have’) – a song frequently mistaken as Haitian in origin, largely due to the strong konpa influences and the fact that it was written as the band was traveling in Haiti – reflect this intent, highlighting the political subtext while still retaining the celebratory style of zouk; the word meaning dance party. As Desvarieux said in an interview, “We were looking to find a soundtrack that synthesized all the traditions and previous sounds, but that could be exported everywhere.
There is an immeasurable amount of pain and loss that Coronavirus has left throughout the Black diaspora, the likes of which will be difficult to fully comprehend until years after this chapter has been closed. In the present, one of the most difficult tragedies to reconcile is how we have also been robbed of our ability to collectively grieve our elders as they transition, as is custom in many Black traditions, ranging from those who we may have a personal attachment to, to honoring our revered legends. Jacob Desvarieux of Guadeloupe, Herman Nau of Haiti, and Manu Dibango of Cameroon are just a few of the musical icons that are foundational to our contemporary cultural lives that we have lost in recent times.
Konpa’s influence in opening the door for zouk to become the international sensation that it was in the 1980s is critical to understanding zouk’s success. From the 1960s to the 1980s, Haitian influence in the French Caribbean musical scene was at its peak, and many zouk bands would come from those who began their careers within konpa. Groups such as Tabou Combo, where Herman Nau served as a drummer, directly influenced the later zouk rhythms. Due to the dominance of Haitian cultural exports, much of the cultural exchange was felt within Guadeloupe, Martinique, and even Spanish Speaking countries such as Cuba and the Dominican Republic with danzon de Cuba and merengue, respectively. The Duvalier regime, however, helped stagnate the international rise of the genre, due to local oppression around the art form. Later, as music labels began to prioritize commercial and radio success, the lengthy runtimes of konpa songs – averaging approximately seven minutes, which passes by quickly at a party, but is not as easy to sing along to – became a deterrent for further promotion. Zouk creators, on the other hand, were able to work more strategically towards commercialization as the two genres continued to influence each other throughout the decades.

Part of what allowed Desvarieux and Kassav’ as a whole to integrate this diasporic Francophone experience was through his lived experience in travels. Born in Paris and raised in Guadeloupe and Martinique, Desvarieux also spent years in Senegal, returning to France in the 1970s post-colonial era alongside much of the artisan class that had migrated to the colonial empire from Sub-saharan Africa and the French Antilles, a common occurrence for many families who endured the harsh realities of France’s post-colonial conditions. It was in the late 1970s that Kassav’ formed in Paris, with exposure to the diversity and interrelated sound base, connected from Congo all the way to their homeland of Guadeloupe. In an interview with French newspaper Libération, Desvarieux explained, ‘through our music, we question our origins.” He continues: ‘What were we doing there, we who were Black and spoke French? Like African Americans in the United States, we were looking for answers to pick up the thread of a story that had been confiscated from us.”’Zouk music, to Desvarieux, was consistently rooted in the French Caribbean experience, with branches that extended outwards to the rest of the diaspora. This would become particularly evident when he would collaborate with artists throughout the African continent, such as the popular Congolese hit Laisse Parler Les Gens (Let the People Talk).
Zouk peaked in mainstream popularity in the 1980s – they received the Group of the Year award by Victoires de la Musique in 1988 – but its popularity in the Francophone diaspora persisted; in 2019, Kassav’ sold out its 40th-anniversary concert at the 40,000-seat Paris La Défense Arena, and continued to sell out to stadium-sized audiences throughout the African continent particularly in Africa, where it has drawn stadium-size crowds since the 1980s.
The continental connection extends even further. Presently, in Luanda, Angola, there is a museum of zouk, with a collection of 10,000 albums, which Desvarieux and Pierre-Édouard Décimus visited in 2012. Despite Angola being a Lusophone country, its internationally known music and dance style, kizomba, draws distinct influences from Haitian konpa and French-Caribbean zouk, and many Francophone West African nations presently have their own version of zouk as a popular style of music. As the Senegalese songwriter Youssou N’Dour wrote in the wake of Desvarieux’s passing on Twitter, “The West Indies, Africa and music has just lost one of their greatest Ambassadors.”
‘Without being politicians or activists, Kassav' wore it all,” said Desvarieux. “From our faces to the themes in our songs, everything was very clear: we were West Indian, there should be no mistake, we wanted to mark our difference. This is why we have always sung in Creole.’
In contemporary popular music, you can feel the strength in that Francophone diasporic influence throughout Aya Nakamura, an internationally recognized French singer of Malian descent, who frequently uses zouk and konpa influences in her music. This throughline is not contained just to the Francophone world, however; in the 2020 Superbowl halftime show, Colombian artist Shakira famously did a medley in honor of Afro-Colombian heritage, dancing Champeta from her hometown. Spontaneously, people from Haiti, to Cameroon, Guadeloupe, to Congo jumped up, claiming that the backing song that had yet to be identified sounded like their music. In time it was verified as the Congolese soukous song Icha by Syran Mbenza.
The true marvel of that moment, however, is the realization of the amount of cultural exchange between our forebears that can lead to a collective sense of belonging in the Black Francophone diaspora.
